Margaux Lalanne-Magne → 13 mars 2021
PROSTITUTION, PROXÉNÉTISME, TRAITE : CLARIFIONS LES TERMES
- La prostitution, c’est quoi ?
La prostitution aussi appelé le travail du sexe, désigne toute relation de nature sexuelle consentie en contrepartie d’une rémunération ou d’un avantage, quel qu’il soit.
- Le proxénétisme, c’est quoi ?
Le proxénétisme constitue le fait de générer des profits sur l’activité de prostitution d’autrui. Certaines personnes qui se livrent à la prostitution sont exploitées par des proxénètes.
- La traite des êtres humains, c’est quoi ?
La traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle est une violation des droits humains universellement reconnue par l’ONU, communément appelé « esclavage sexuel ».
Elle se définit comme le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation sexuelle. Le consentement de la victime n’exonère pas l’auteur·rice.
Les femmes exilées, isolées et en situation de faiblesse, sont les premières victimes des réseaux de traite.
PROSTITUTION, PROXÉNÉTISME : QUELLE POLITIQUE EN FRANCE ?
En 2016, une loi a été adoptée « visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées ». Les conséquences de cette loi à retenir :
- une amélioration de la prise en charge des personnes victimes de proxénétisme ou de traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle grâce à la création d’un parcours de sortie de la prostitution ;
- la création d’une infraction en cas de recours à la prostitution d’autrui ;
- la suppression du délit de racolage.
Les personnes en situation de prostitution ne sont pas pénalisées, ce sont désormais les personnes qui les inciteraient à le faire et/ou tireraient un profit de cette activité qui le sont.
Ces nouvelles dispositions ont été très débattues, notamment par les syndicats des travailleur·se·s du sexe et les associations de santé, qui regrettent cette pénalisation des client·e·s entraînant une baisse des revenus des travailleur·se·s et des conditions d’hygiène plus dangereuses.
LA PROTECTION PAR LE DROIT D’ASILE DES FEMMES EXILÉES VICTIMES DE TRAITE
La réforme du droit d’asile votée en 2015 a permis l’introduction dans le Code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) de certaines protections pour les femmes exilées.
On y retrouve désormais plusieurs aspects liés aux besoins des femmes : persécutions liées au genre, détection des vulnérabilités, ou prise en compte de certains besoins spécifiques dans l’hébergement.
Une femme exilée peut faire l’objet d’une protection, notamment la reconnaissance du statut de réfugié·e, si elle est en mesure de prouver qu’elle s’est extraite d’un réseau international de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle.
UN PEU D’HISTOIRE…
Depuis les années 90, la structure de la prostitution a évolué en France avec la multiplication des réseaux de proxénétisme ou de traite, particulièrement liée au développement de la prostitution à l’étranger.
La présence de femmes exilées au sein des réseaux de proxénétisme peut s’expliquer par plusieurs raisons :
- elles sont contraintes et menacées dans le cadre d’un réseau de proxénétisme ou de traite ;
- le travail du sexe pouvant être considéré comme une opportunité de réussite sociale pour certaines femmes, elles réalisent une fois en Europe qu’elles sont finalement exploitées par des réseaux de proxénétisme ou de traite ;
- elles étaient travailleuses du sexe dans leur pays d’origine ;
- elles sont dans une situation économique difficile et cela leur permet de subvenir à leurs besoins.
La répartition des nationalités des femmes exilées prostituées dans les différentes régions de France peut s’expliquer par les voies qu’elles empruntent pour accéder au territoire : à Marseille, elles sont majoritairement originaires du Maghreb alors qu’à Strasbourg, des pays de l’Est et des Balkans.
Les femmes exilées victimes de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelles proviennent pour beaucoup du Nigéria, du Sénégal, ou encore d’Albanie.
LA PROSTITUTION, UN PHÉNOMÈNE PEU CHIFFRÉ
D’après une étude réalisée par le ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes en 2016 :
- 85% des personnes prostituées en France sont des femmes ;
- 93% d’entre elles sont étrangères.
Le phénomène de réseaux de proxénétisme des femmes exilées est perceptible dans toute l’Europe, avec une proportion de femmes étrangères dans la prostitution s’élevant entre 60 et 70% selon les villes européennes.
Attention : les chiffres de personnes victimes de traite sont souvent surreprésentés car les phénomènes de prostitution libres n’apparaissent pas dans les chiffres.
Par ailleurs, le recensement des populations victimes de traite est très partiel car caché du fait de son illégalité.
LES DIFFÉRENTS POSITIONNEMENTS SUR LA PROSTITUTION
Le prohibitionnisme : objectif d’interdiction générale de la prostitution
Le réglementarisme : objectif d’une professionnalisation de la prostitution comme toute activité professionnelle, au nom de la liberté individuelle d’exercer le métier de travailleur·se du sexe. Distinction entre la prostitution libre et forcée (comme le Syndicat du TRAvail Sexuel (STRASS), Médecins du Monde, Amnesty International, ACCEPTESS-T, Bus des femmes).
L’abolitionnisme : objectif d’abolir la prostitution, considérée comme une atteinte à la dignité de la personne. Refus de la distinction entre prostitution libre et forcée (comme le mouvement du Nid, Zéromacho, A.N.A, Femen)
En février 2021, ces associations ont rendu public un rapport sur l’impact de la loi du 13 avril 2016 et son inefficacité actuelle.
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