LES ARTISAN·E·S DES DROITS HUMAINS

Violences sexistes à tous les coins de rue

De comportements sexistes à violences sexuelles, la rue est un lieu où les femmes sont malmenées. En partenariat avec le Forum #GÉNÉRATIONÉGALITÉ Voices d’ONU Femmes France, l’aaatelier revient sur la prévalence de ce phénomène de violences faites aux femmes dans la rue. Etat des lieux des violences dans la rue, de leurs origines, des moyens de s’en protéger et de les combattre.

et → 23 juin 2020

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La rue

C’est le boulevard que l’on emprunte pour rejoindre ses amis bien-aimés, son épicerie préférée ou son bar favori. 

C’est l’impasse où l’on se promène pour prendre l’air et admirer l’architecture.

C’est l’avenue où l’on manifeste pour défendre ses droits. 

C’est aussi l’espace public dans lequel 86% des femmes ont été victimes de violences sexistes au moins une fois dans leur vie. 

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La rue favorise-t-elle les violences sexistes ? 

Regardons nos rues. 

L’architecture et l’urbanisme de nos villes sont en grande majorité représentés par des hommes. Seulement 2% des rues en France portent le nom d’une femme. L’espace public étant généralement pensé par des hommes, le “gender mainstreaming” préconisé par le Traité d’Amsterdam de 1997 reste à développer en France. 

La rue est aussi l’endroit où les publicités sexuées stéréotypées pullulent. C’est la raison pour laquelle le Haut Conseil à l’Egalité entre les Hommes et les Femmes a élaboré un guide afin d’inciter les professionnels de la communication à développer une signalétique publique inclusive. 

Cela peut donc entraîner chez l’individu masculin un sentiment de domination dans l’espace public.

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Comment se manifestent les violences faites aux femmes dans la rue ? 

Ce sentiment de supériorité masculine dans la rue entraîne des violences sexistes et sexuelles. 

La première de ces violences est le harcèlement de rue. Le harcèlement sexiste se traduit de diverses manières, visant toutes à dénigrer l’individu de sexe féminin. Les femmes sont victimes de “catcalling”, expression regroupant une série de paroles sexistes dévalorisantes : remarques intimidantes, sifflements, interpellations et regards insistants, blagues humiliantes, filatures, gestes à connotation sexuelle, insultes…

Ces comportements sexistes sont banalisés. En effet, le manque de discernement sur la différence entre “sexisme” et “drague” entraîne une normalisation de ces comportements générant une inaction des passants : “c’est pas si grave”, “ça devrait te faire plaisir”, “c’est un compliment” raisonnent souvent dans les oreilles des femmes. 

Favorisées par la passivité des passants, ces agressions verbales se transforment malheureusement parfois en agressions physiques et sexuelles (frotteurisme, attouchements sexuels) pouvant aller jusqu’au viol.

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La rue est un lieu de violence ayant la particularité de devoir être empruntée de jour comme de nuit. Elle devient d’autant plus dangereuse la nuit, période plus propice à l’alcoolisation ou à la prise de drogue, tous deux vecteurs d’attitudes violentes. Selon une enquête de 2014, 70% des viols ont lieu le soir ou la nuit et 50% des agresseurs sont alcoolisés. 

La rue est aussi l’endroit où se retrouvent des femmes sans domicile fixe ou des femmes exilé.e.s, d’autant plus vulnérables aux violences sexuelles. En effet, selon le dernier sondage de l’Insee de 2012, 48% des personnes de moins de 30 ans sans hébergement pérenne en France sont des femmes. 

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Des chiffres terrifiants…

Selon une enquête IFOP de la Fondation Jean Jaurès de novembre 2018 : 

Les violences concernent toutes les femmes de tout âge, même si 60% des Françaises sondées victimes d’atteinte ou d’agression sexuelle dans la rue au cours des douze derniers mois avaient moins de 25 ans. 

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Ces violences invisibilisent toujours plus les femmes dans la rue. 

Les violences faites aux femmes dans la rue ont des conséquences désastreuses, communes à l’ensemble des violences sexistes : dévalorisation, repli sur soi, sentiment de culpabilité, psycho-traumatismes…

Créant un sentiment d’insécurité quotidien, la rue est pourtant inévitable et elle est l’artère qui mène même à d’autres lieux susceptibles de présenter des violences sexistes : le travail dans lequel les femmes peuvent être victimes de harcèlement, les bars et discothèques qui peuvent être propices aux comportements sexistes, ou encore la “maison” où les femmes peuvent subir la violence d’un.e partenaire. 

Ces agressions obligent les femmes, directement victimes ou craignant de l’être, à modifier leur comportement et à adopter des stratégies d’évitement : ne pas sortir seule, ne pas rentrer tard, sortir aux heures d’affluence, contourner certaines rues, éviter de croiser le regard des hommes, rentrer en taxi, adopter une tenue vestimentaire “neutre”. 

En conséquence, les femmes deviennent plus discrètes dans la rue, ce qui accroît le sentiment de prééminence du sexe masculin.

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Comment combattre les violences de rue ? 

La France a été le premier pays au monde à pénaliser le harcèlement de rue, permettant alors de porter plainte dès “outrage sexiste”. Outre la possibilité de porter plainte pour toute autre agression plus grave, comme l’agression sexuelle ou le viol, depuis août 2018, la “loi Schiappa” sur les violences sexistes et sexuelles punit les outrages sexistes d’une amende de 90€ (pouvant aller jusqu’à 1500€ si circonstances aggravantes).

Pourtant, au 6 mars 2020, seulement 1292 amendes pour outrage sexuel ou sexiste avaient été émises. Les associations féministes alertent : ce chiffre ne reflète pas l’étendue des violences sexuelles de rue en France. De plus, 9 femmes sur 10 déclarent avoir eu une prise en charge défaillante lors de leur plainte (refus de plainte, découragement de la part des autorités).

 

Des initiatives citoyennes pour protéger et prévenir les violences. 

Faute d’une application effective de la loi, se tourner vers des initiatives citoyennes apparaît comme une solution nécessaire pour être protégée. Il est ainsi possible de recourir à des applications spécialisées telles que : 

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Débanaliser les violences sexistes dans la rue est essentiel. Afin d’ouvrir les yeux du grand public sur la manifestation du harcèlement de rue, des initiatives comme celles de l’association “Paye ta Schnek” s’attèlent à recueillir des témoignages concrets de femmes victimes d’outrages sexistes. Le compte instagram d’une jeune hollandaise “Dearcatcallers” est également une relève de justice1: Noa Jansma y publie des selfies avec ses harceleurs. 

Les actions d’éducation populaire sont aussi un moyen de prévention précieux. L’association “Stop harcèlement de rue” est spécialisée dans le domaine. Présente dans 12 villes en France, l’association réalise des collages de rue, des campagnes de sensibilisation ou même des ateliers de Krav Maga. L’association a aussi établi un guide contre le harcèlement de rue à destination des victimes et des témoins. 

Pour prévenir les violences sexistes, la présence féminine doit être affirmée dans la rue, en valorisant le matrimoine par exemple. En l’absence d’un urbanisme féminisé et de politiques publiques plus inclusives, les graffitis féministes dans la rue ou collages de rue apparaissent notamment comme un moyen alternatif de s’opposer à la toute-puissance du sexe masculin dans l’espace public. 

Sans nul doute, au regard de l’ampleur du phénomène des violences sexistes et sexuelles dans la rue, les politiques publiques doivent renforcer la publicité de l’égalité hommes-femmes dans la rue et assurer des moyens de prévention efficaces pour que nous puissions voir se réaliser le discours de Christiane Taubira en 2017 : “Le monde qui vient devra s’habituer partout à la présence de nos filles, de vos filles”.

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