LES ARTISAN·E·S DES DROITS HUMAINS

Matières premières

Café, coton, blé, cuivre et pétrole sont produits, échangés, transformés, commercialisés et utilisés quotidiennement par des millions d’entre nous. Leur nom est connu, leur parcours pour se retrouver auprès de nous est bien souvent beaucoup plus opaque. Leur exploitation, leur acheminement et leur transformation possèdent d’importants enjeux économiques, environnementaux, qui sont aussi relatifs aux droits humains. Lumière sur une industrie qui reste dans l’ombre !

et → 4 juillet 2018

En 2013, 32 marques internationales de textile sont reliées à l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh qui a fait plus de 1100 morts parmi les ouvriers de différents ateliers1. En 2016, l’entreprise agroalimentaire singapourienne Wilmar est ciblée pour les conditions de travail des ouvriers de ses fournisseurs qui travaillent dans les plantations de palmiers en Indonésie 2. En 2017, le constructeur automobile français Renault est pointé du doigt pour l’extraction du cobalt, utilisé pour produire les batteries de ses véhicules électriques, en République démocratique du Congo3. Ces faits constituent des violations de droits humains dans le secteur des matières premières.

Mis en avant par le travail d’enquête d’organisations internationales, ces abus illustrent le lien que nous souhaitons mettre en lumière dans cet article. Que ce soit du cobalt, du coton ou encore l’huile de palme, l’ensemble de ces accusations concernent l’extraction et la transformation de matières premières.

Simple à définir

La notion de « matières premières » est assez simple. C’est un produit à l’état brut, naturel ou peu transformé lors de son exploitation afin de pouvoir être commercialisé à une échelle mondiale. Sont matières premières toutes les ressources naturelles qui, directement extraites de la nature ou transformées, sont utilisées pour fabriquer un bien. On distingue deux grandes classifications des matières premières. D’une part, il existe une distinction entre matières premières renouvelables et non renouvelables:

Toutefois, la classification la plus connue est celle qui est liée à l’utilisation économique de ces matières premières renouvelables et non renouvelables. On distingue alors trois catégories :

Jusque-là, tout paraît compréhensible. Le flou arrive.

Les matières premières constituent le socle des principaux échanges internationaux. Parler de matières premières, c’est avant tout parler de marchés mondiaux, de prix internationaux, de pays producteurs et de pays consommateurs. La mondialisation est au cœur de cette industrie. Diabolisée ou adorée, c’est la mondialisation qui nous permet de boire notre tasse de café quotidiennement. Elle est extrêmement liée à l’industrie des matières premières.

Explications. Reprenons cette tasse de café et essayons de comprendre comment elle parvient jusqu’à nous :

  1.       Son origine est souvent complexe et multiple. Mais ses racines seront probablement brésiliennes et/ou vietnamiennes et/ou indonésiennes et/ou mexicaines et/ou colombiennes et/ou éthiopiennes et/ou ougandaises parmi les principales origines du café4. Les caféiers poussent dans de nombreuses régions du monde qui sont localisées proches des tropiques, au niveau de l’équateur. Ces arbres sont entretenus par des millions de fermier.ère.s5
  2.       De ces caféiers naissent de beaux grains de café qui sont ensuite récoltés par ces mêmes fermier.ère.s. Triés, lavés, séchés, les grains connaissent différents processus de traitement avant d’être la plupart du temps commercialisés à l’échelle mondiale. Puis les grains de café sont vendus localement et achetés par des marchands présents à l’international ou autrement nommés « négociant.e.s ».
  3.       Ces négociants exportent ces grains de leur pays d’origine pour répondre à une demande de consommation mondiale qui se trouve principalement en Europe, en Amérique et en Asie. Ils sont vendus à des acteurs qui sont eux, en revanche, beaucoup plus visibles : des torréfacteurs, des industriels qui vont transformer cette matière première en un bien de consommation courante (comme votre capsule de café).
  4.       Une fois les grains de café transformés, et bien souvent mélangés à d’autres provenances, ils nous sont alors accessibles commercialement sous différentes formes : café soluble ou café moulu selon les goûts de chacun.

L’ensemble de ce processus constitue ce que l’on appelle une chaîne d’approvisionnement où un ensemble d’acteurs vendeurs et acheteurs, de la matière première brute à la livraison finale d’un produit fini, s’entremêlent. Les acteurs sont différents d’une chaîne à une autre, d’une matière première à une autre, et c’est justement ce qui favorise l’opacité de cette industrie. Certains acteurs sont plus connus que d’autres (souvent ceux qui sont le plus proches des consommateurs), tandis que d’autres restent dans l’ombre assurant un rôle d’intermédiaire qu’il est facile d’ignorer (négociant.e.s). Le producteur quant à lui bénéficie de plus en plus de visibilité depuis ces dernières années. À la recherche d’authenticité, le consommateur réclame transparence et traçabilité sur ces achats, notamment dans le secteur alimentaire.

 

Question d’impacts

L’enjeu actuel de cette immense industrie réside dans la transparence des conditions de production des matières premières. Parler de matières premières, c’est avant tout discuter d’exploitation, d’approvisionnement et de transport, c’est-à-dire d’actions qui sont porteuses d’impacts économiques (ex : volume des échanges, prix), environnementaux (ex : érosion des sols, déforestation) et sociaux (ex : travail des enfants, travail forcé). Ces enjeux sont de plus en plus mis en avant dans le contexte d’une demande accrue de responsabilité sociale des entreprises (RSE) de la part des consommateurs. À l’origine de cette nouvelle demande, on trouve en grande partie des scandales sanitaires et un soupçon de conscience de notre part. On s’intéresse davantage à l’origine des produits que nous achetons et à la manière dont ils sont fabriqués. Les conditions de vie des fermier.ère.s producteur.rice.s de café, par exemple, intègrent de plus en plus nos décisions d’achats pour certains produits.

Produits responsables, éthiques, durables et équitables constituent de manière plus importante l’offre de consommation aujourd’hui. Certes. Alors ? Leurre marketing ou réel changement dans les processus d’approvisionnement ? En tant que consommateur, notre demande de transparence a un grand rôle à jouer mais il est également nécessaire de prendre le temps de saisir toute la réalité d’une industrie qui dépend d’acteurs très différents, de matières premières très diverses, de réalités de production variées, de chaînes d’approvisionnement multiples et surtout de demandes complexes émanant des consommateurs en bout de chaîne. Défi relevé ! La suite au prochain article.

© Illustration Paul Baudenuit

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