LES ARTISAN·E·S DES DROITS HUMAINS

Entretien croisé : le douloureux refus du statut de réfugié (5/5)

Après un long périple pour atteindre la France, beaucoup d'exilés demandent l'asile. Le fait de venir jusqu’en France peut être une expérience difficile et traumatisante affectant directement le traitement de cette demande d’asile. Pour mieux comprendre le parcours des demandeurs d'asile et les conséquences psychologiques possibles sur eux, nous vous proposons un entretien croisé entre une psychologue et une juriste à travers une série de 5 questions.

, et → 13 avril 2018

Quels sont les effets du refus de la demande d’asile sur les exilés ?

 

Aziliz Quillévéré, psychologue :

Le refus de la demande d’asile opère une atteinte narcissique très forte sur un terrain psychique déjà fragilisé. Je m’explique. Lorsque l’Autre (l’officier, l’État, la terre d’accueil idéalisée) ne juge pas crédible le vécu de la personne, ne reconnaît pas la légitimité de sa demande, il nie ainsi ses souffrances. C’est cette non reconnaissance du vécu qui vient créer une atteinte narcissique, c’est-à-dire, le sentiment d’être nié dans son identité et la perte de valeur de soi. Là encore, de nouveaux symptômes peuvent émerger : crises d’angoisse, décompensations, troubles somatiques.

Après une attente qui fige le temps, où la personne est portée par l’espoir, l’annonce du refus vient rendre les sacrifices subis durant le parcours migratoire vains. L’avenir se ferme à nouveau et le sentiment d’insécurité lié à la situation irrégulière se fait plus fort que jamais.

Certains ne parviendront plus à mobiliser leurs ressources, étant précisé que leur âge, leur parcours, ou leur construction psychique aura une influence sur cette capacité. Si leur route ne croise aucun bénévole ou aucune association pouvant les épauler, le risque sera une marginalisation voire également l’émergence d’une problématique toxicomane.

D’autres trouveront la force de se lancer dans une nouvelle procédure, de demander un recours, de reconstituer un dossier… Tenus par l’espoir d’une vie meilleure.

Mélanie Marcos, juriste :

Lorsqu’un demandeur d’asile se voit notifier un rejet de l’OFPRA, celui-ci a actuellement un mois pour former un recours. Comme on l’a déjà dit plus haut, un rejet de l’OFPRA représente une remise en cause de l’histoire personnelle du demandeur qui est alors pris pour un menteur. En un mois, il faut que le demandeur retrouve les forces pour former un recours avec des éléments sérieux à l’aide d’un avocat.

Lorsqu’un demandeur d’asile reçoit un rejet définitif de sa demande (donc un rejet de la Cour nationale du droit d’asile), il devient « un débouté du droit d’asile ». Dans ce cas, le seul recours possible et non suspensif est un recours devant le Conseil d’Etat si la CNDA a commis une erreur de droit.

Après un rejet de la CNDA, le demandeur d’asile devient un étranger de droit commun et ne bénéficie plus des conditions matérielles d’accueil proposées par l’OFII. Il peut déposer une demande de titre de séjour à la préfecture pour toute autre raison (vie privée et familiale, admission exceptionnelle au séjour, étranger malade) ou demander le réexamen de sa demande d’asile si un « élément nouveau » intervient1. Cependant, il doit déposer ces demandes avant qu’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ne lui soit notifiée. Les délais sont donc très courts puisque l’OQTF peut être notifiée dès la notification du rejet de la CNDA.

L’OQTF devient exécutable après un délai de 30 jours. Durant ce délai, la personne peut décider de bénéficier du dispositif d’aide au retour de l’OFII qui lui permet de rentrer dans son pays sans les menottes2, ou bien, elle peut faire un recours contre la décision de la préfecture lui ordonnant de quitter le territoire devant le tribunal administratif. Si rien n’est fait, la personne se retrouve en situation irrégulière et peut donc être envoyée en Centre de rétention administrative puis renvoyée de force dans son pays d’origine.

N’hésitez pas à lire ou relire les autres questions de cet entretien ici !

© Illustration de Flo Love

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