LES ARTISAN·E·S DES DROITS HUMAINS

Entretien croisé : projet de loi « asile-immigration » (4/5)

 

Après un long périple pour atteindre la France, beaucoup d'exilés demandent l'asile. Le fait de venir jusqu’en France peut être une expérience difficile et traumatisante affectant directement le traitement de cette demande d’asile. Pour mieux comprendre le parcours des demandeurs d'asile et les conséquences psychologiques possibles sur eux, nous vous proposons un entretien croisé entre une psychologue et une juriste à travers une série de 5 questions.

, et → 12 avril 2018

Le projet de loi « asile-immigration » en cours d’élaboration prévoit de réduire le délai total de traitement de la demande d’asile à 6 mois (actuellement de 9 mois, mais souvent beaucoup plus long). Qu’en pensez-vous ?

 

Aziliz Quillévéré, psychologue :

Le problème de cette loi réside dans le fait qu’aucune mesure visant un premier accueil digne sur tout le territoire n’est encore proposée. La réduction des délais ne change pas le problème, elle vient au contraire l’accentuer.

Nous avons expliqué combien la procédure de demande d’asile venait opérer des changements psychiques importants et fragiliser la personne exilée. Elle se retrouve obligée à faire un travail de soi non accompagné, c’est-à-dire, sans l’aide d’un professionnel, travail d’autant plus difficile qu’il doit être effectué dans un contexte de grande précarité sociale, d’exclusion.

Ainsi, réduire les délais peut venir fragiliser davantage certains exilés qui ne seraient pas disponibles psychiquement pour revenir sur leur parcours dans ce temps imparti.

Mélanie Marcos, juriste :

La réduction des délais de la demande d’asile représente pour la plupart des demandeurs d’asile un obstacle à l’obtention d’une protection. Il est effectivement difficile de revenir sur les raisons pour lesquelles les personnes ont quitté leur pays comme nous l’avons déjà dit plus haut. Le psychotraumatisme implique du temps et surtout un suivi psychiatrique et psychologique qui peut être très long à mettre en place, faute de disponibilité des psychiatres.

En outre, il apparaît que le psychotraumatisme est peu pris en compte par l’OFPRA ou la CNDA. Même avec un certificat médical d’un médecin psychiatre établissant que la personne a des difficultés à s’exprimer et a besoin de temps, les renvois d’audience ne sont pas éternellement accordés.

D’aspect plus pratique, il est aussi difficile d’obtenir des documents permettant d’établir la réalité des faits dans des délais restreints. Les personnes ont souvent peu de contacts avec le pays, il faut ensuite compter le délai d’envoi des documents et les frais d’envoi, trouver un traducteur à un prix abordable et compter les délais de traduction.

N’hésitez pas à lire ou relire les autres questions de cet entretien ici !

© Illustration de Flo Love

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