LES ARTISAN·E·S DES DROITS HUMAINS

Liberté – Égalité – Solidarité

Liberté, égalité...l’un ne peut fonctionner sans l’autre. La liberté sans égalité peut mettre l’autre en danger, c’est “la loi du plus fort”. L’égalité sans la liberté, c’est l’identité, un système où tous les individus seraient rigoureusement identiques et renonceraient à ce qui les rend uniques.
Et la solidarité ? C’est l’élan qui nous pousse à aider l’autre lorsque l’on constate que celui-ci ne bénéficie pas pleinement de ces principes de liberté et d’égalité.

et → 27 septembre 2017

LIBERTÉ

« Être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes, c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. »
Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté (1994)

La liberté, si elle est considérée comme essentielle, c’est à dire indispensable à notre dignité d’être humain et à notre bien-être, n’a pourtant pas toujours été perçue comme telle.
Le mot « liberté » vient du latin « libertas » (ou « liber ») qui signifie homme libre (ou affranchi), en opposition au statut d’esclave, qui lui est soumis à un maître, n’est pas libre de ses mouvements et n’a pas d’emprise sur sa propre existence. Si l’origine du mot est antique, il est important de rappeler que l’esclavage a survécu à la pratique du latin et que, pour exemple, la France l’a aboli dans ses colonies en 1848 et les Etats-Unis en 1865 (sur l’ensemble de leur territoire). La liberté en tant « qu’idéal universel » qui devrait s’appliquer à tous les hommes, sans distinction aucune, est donc récente à l’échelle de l’Histoire humaine.
Être libre, c’est penser et agir par soi-même, c’est pouvoir agir à sa guise. La liberté serait une zone d’autonomie où les personnes peuvent agir comme elles l’entendent.

Dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, la liberté est pensée comme la fin de l’injustice : « Art. 1er – Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. (…). Art. 2 – Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » En 1789, on définit aussi simplement la liberté comme « ce qui consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (article 4).
En 1948, l’Assemblée générale des Nations unies adopte la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui représente « l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ». Dans son premier article, le texte de la Déclaration rappelle que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » et poursuit dans un troisième article : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ».

La reconnaissance d’une liberté s’accompagne du droit à l’exercer. En théorie, c’est la loi qui garantit le respect et l’exercice d’une liberté. La liberté peut se décliner en libertés : la liberté d’opinion, d’expression, la liberté d’être propriétaire, mais également la liberté de réunion, la liberté syndicale, la liberté d’organiser ou de participer à une grève, ou encore la liberté de conscience ou liberté de culte.

 

ÉGALITÉ

L’égalité a un premier sens : c’est « le caractère de ce qui est égal », ou autrement dit équivalent, semblable. Lorsqu’on applique le terme « égalité » à l’être humain en tant que membre d’un groupe, d’une société, il prend un sens quelque peu différent. L’égalité en droit est le principe selon lequel tous les individus, sans distinction, doivent être traités de la même façon par la loi (on appelle cela l’isonomie) et bénéficient donc des mêmes droits. L’égalité, c’est le contraire du privilège. Avant 1789 en France par exemple, la société française fonctionnait sur la base d’un système d’inégalités, certains groupes étaient traités différemment et bénéficiaient de privilèges, notamment dans le paiement des impôts, l’accès à certains emplois publics ou encore dans l’accès à la propriété individuelle. L’égalité ne désigne pas un groupe d’individus parfaitement semblables (on appellerait cela « l’identité ») mais l’égale application de la loi à ces individus.

Le contenu même de la loi doit assurer l’égalité et la loi doit s’appliquer de la même façon pour tous. Le principe d’égalité dans la loi interdit de fonder une différence de traitements sur des distinctions qui seraient jugées arbitraires et donc inadmissibles tels que, par exemple : le sexe, l’ethnie, la nationalité, la religion, la classe sociale ou encore la fortune. C’est le principe de non-discrimination.

En France, le concept d’égalité a été introduit au premier article de la Déclaration de 1789, même si, hypocritement, la femme en était alors totalement exclue (on pouvait y lire « Les hommes » et non « l’Homme », ou encore « l’être humain »). En 1791, Olympe de Gouge a tenté d’inclure la femme dans cette conception moderne de l’égalité dans le texte de sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, qui passe alors presque inaperçue et ne marque que les débuts d’un long combat.
Dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la formulation « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » permet de donner une valeur universelle à l’égalité. L’existence et l’application des droits de l’Homme – développés dans le texte de cette déclaration – doivent permettre de perfectionner ce principe d’égalité.

Dans son application, la notion d’égalité en droit n’empêche toutefois pas de prendre en considération certaines situations différentes pour lesquelles les règles (la loi) doivent pouvoir s’adapter. Pour rester dans les limites de l’égalité, les différences de traitements ne peuvent être justifiées que si les critères utilisés ne sont pas jugés arbitraires. Par exemple, au cours de procédures pénales concernant deux personnes différentes, jugées pour le même délit, il peut exister des circonstances aggravantes ou atténuantes spécifiques à un individu, mais toujours encadrées par la loi.

 

SOLIDARITÉ

« Le propre de la solidarité, c’est de ne point admettre d’exclusion. »
Victor Hugo, Proses philosophiques (1860-1865)

La notion de solidarité a plusieurs sens. Si l’on s’arrête à son sens juridique, la solidarité désigne un lien établi par la loi entre des individus. Il peut s’agir d’une solidarité de dette : si une personne a réalisé un prêt et qu’une autre a été désignée comme sa caution solidaire, celle-ci est également obligée de rembourser ce prêt en cas de problème. On peut aussi dire que les parents sont solidairement responsables des dommages causés par leurs enfants mineurs. Mais laissons de côté ce premier sens pour nous intéresser à l’aspect sociologique de la solidarité.

La solidarité comme lien social peut être assimilée à un sentiment de responsabilité envers l’autre, à une forme de dépendance réciproque. Être solidaire, c’est considérer qu’un problème rencontré par un ou plusieurs membres d’un groupe concerne l’ensemble des individus de ce groupe ; le mot « groupe » pouvant désigner ici : la famille, le voisinage, une association, les citoyens d’un même pays, ou encore l’humanité.

La solidarité est, notamment, la contrainte morale de venir en aide aux plus faibles, à ceux qui souffrent, simplement parce que ces derniers font partie d’un groupe. Si la solidarité a une origine plutôt religieuse, elle a également été pensée dans certaines sociétés comme une mission de l’État. En France notamment, les Déclarations des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et 1793 laissent pour la première fois transparaître l’idée que l’État doit prendre en charge cette solidarité en portant assistance aux plus démunis, avec la redistribution des richesses par exemple.

En 1893, le sociologue Émile Durkheim propose une définition de la solidarité liée aux fonctions des individus dans leur société. Il explique que dans les anciennes sociétés où les individus se ressemblent (mêmes sentiments ou mêmes croyances, sans division des tâches), la solidarité est mécanique puisqu’il est mal vu de se détacher du groupe, sous peine de se retrouver isolé. Dans les sociétés modernes, la différenciation des hommes entre eux, qui repose sur la division du travail social produit de la solidarité organique : les individus ont des fonctions différentes donc complémentaires et ils ne peuvent vivre sans une coopération étroite.

Un autre courant de pensée appelé « solidarisme » envisage la solidarité comme une forme de dette de l’individu envers sa société. Chaque personne bénéficie de l’aspect collectif : héritage de la culture, du langage, des progrès techniques, etc. La solidarité envers les autres membres de la société serait donc une contrepartie des avantages tirés de la société.
Petit à petit, l’idée de solidarité s’est détachée de la simple charité, pour mêler empathie, intérêts communs et cohésion sociale.

Il n’y a donc pas une solidarité mais bien différentes raisons d’être solidaire et différentes solidarités. Ainsi, on parle aujourd’hui de solidarité internationale, de solidarité humanitaire voire même de solidarité écologique envers les générations futures.


© Illustration de Donald Choque.

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