Laure Boyer → 5 mars 2021
QUI SONT LES FEMMES EXILÉES ?
L’exil est la situation de quelqu’un·e qui est expulsé·e ou obligé·e de vivre hors de sa patrie.
Une personne en exil peut donc être apatride, réfugiée, migrante, déracinée, en déplacement forcé ou encore immigrée.
Lors de leurs déplacements contraints (pour des raisons sécuritaires, environnementales, médicales, économiques…), les femmes sont d’autant plus victimes de discriminations et de violences que leur isolement est accentué et leur sécurité fragilisée.
L’EXIL INTERNATIONAL EN QUELQUES CHIFFRES
1% de la population mondiale est en situation d’exil. On compte 79,5 milions de personnes déracinées en 2019 dans le monde (68,5 millions en 2018), soit une augmentation de 16% en un an 1.
→ 26 millions de réfugiés
→ 47,5 millions de déplacé·e·s internes
→ 4,2 millions de demandeur·se·s d’asile
→ 3,9 millions d’apatrides
→ Environ 50% de la population en exil est constituée de femmes (adultes et mineures confondues)
Les femmes en exil sont bien souvent invisibilisées.
UN POINT SUR LA SITUATION EN FRANCE
En 2019 : 132 614 demandes d’asile, hommes et femmes confondu·e·s. sur 676 250 demandes sur l’ensemble de l’Union européenne (soit 19%).
En comptant les mineures, les femmes représentent 51% des demandes d’asile en France.
Les 1ers pays de provenance des femmes demandeuses d’asile sont :
- l’Albanie (danger de mort, violences familiales, traite des êtres humains)
- la Côte d’Ivoire (traite des êtres humains, instabilités économiques, isolement)
-
la Géorgie (victime du crime organisé, pauvreté)
FEMMES EXILÉES, RÉELLES ACTRICES DE L’INTÉGRATION
Dès 1974, le président Valéry Giscard-D’Estaing fait voter plusieurs lois afin de limiter l’immigration en France. On souhaite ralentir les « allers-retours » des travailleurs isolés étrangers.
Cependant, contrairement à l’effet désiré, ces lois vont amener les personnes exilées à s’installer définitivement et fonder leur famille en France.
Les femmes en exil jouent un rôle fort dans cette période d’installation. Lorsqu’une femme en exil s’intègre, elle intègre toute sa famille avec elle.
Par exemple, on note un effet positif sur la scolarité de leurs enfants lorsqu’elles travaillent.
L’INDÉPENDANCE DES FEMMES EXILÉES
Dès 2014, il y a une augmentation des demandes d’asiles des femmes exilées autonomes.
Avant 1970, les femmes arrivant seules (sans regroupement familial) sont minoritaires :
→ 16% effectuent une migration autonome en tant que célibataire ou « pionnière » (devançant leur conjoint) ;
→ contre 42% d’entre elles en 2014.
En 2014 : 57% des femmes provenant d’Afrique de l’Ouest ou du Golfe de Guinée (Côte d’ivoire, Cameroun, RDC) s’exilent seules.
Depuis 1970, la crise économique et politique de certains pays d’Afrique, déstabilise les milieux communautaires. Cela témoigne d’un mouvement d’individualisation et d’une recherche de meilleures conditions de vie. Cependant, cette situation participe à la vulnérabilisation des femmes exilées.
VIOLENCES SEXUELLES SUBIES PAR LES FEMMES EXILÉES
Plusieurs rapports (du Comité pour la santé des exilés – Comede et de France terre d’asile) dénoncent les violences que subissent les femmes exilées sur le sol français.
Elles sont liées aux conditions d’accueil précaires, au nombre insuffisant de logements d’accueil et d’urgence. Les femmes déracinées font face à d’importants risques d’agressions, de viols ou d’exploitations diverses.
De 2012 à 2017, le Comede a recensé des antécédents de violences de genre chez 30% des femmes et 4% des hommes exilé·e·s.
Les populations exilées sont plus souvent victimes des violences de genre que les non-exilées.
Ces études montrent la défaillance du système d’accueil en France, l’isolement relationnel et la vulnérabilité des populations exilées.
LE PARCOURS D’UN·E DEMANDEUR·SE D’ASILE
En France, la personne l’exilée qui souhaite déposer une demande de protection internationale doit compléter et adresser à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) un dossier accompagné d’un récit traduit en langue française dans lequel il doit énoncer les motifs du départ de son pays et ses craintes en cas de retour.
Les demandeur·se·s peuvent être aidé·e·s par le Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) (pour davantage d’informations, consultez notre Zoom « CADA ») afin de rédiger leur dossier mais peu de places sont disponibles.
Si la demande est refusée, les demandeur·se·s d’asile peuvent déposer un recours à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) afin de faire réviser leur dossier et tenter d’obtenir une protection en deuxième instance.
EXEMPLE DE MOTIFS DE DEMANDE D’ASILE
pour lesquels une femme exilée peut être protégée en France
En plus des motifs de protection classiques que sont les craintes de persécutions pour opinions politiques, religieuses, origines ethniques, l’OFPRA et la CNDA octroient une protection si la demandeuse d’asile peut prouver qu’en cas de retour dans son pays d’origine, elle :
- serait victime de torture, viol ou autres violences physiques, psychologiques ou sexuelles, que l’on pourrait qualifier de violences de genre ;
- serait mariée de force ;
- Risquerait des représailles d’un réseau de prostitution et de traite des êtres humains qu’elle cherche à fuir ;
- subirait une mutilation génitale féminine (MGF) ou serait victime de violences en refusant de soumettre son enfant à une MGF.
LE DROIT D’ASILE EN FRANCE, ON EN EST OÙ ?
Cependant, depuis la nouvelle loi sur l’asile de 2018 « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration
réussie », le droit d’asile a été mis à mal.
Cette loi a considérablement réduit l’accès au droit d’asile des personnes exilées en France : délais restreints, juge unique et non plus collégialité, recours examinés sans audience… Cet objectif ouvertement dissuasif est également accentué par le manque évident d’hébergements temporaires en France.
Consultez notre Zoom Centre d’accueil pour demandeur.euse.s d’asile
Les images de violence sur la Place de la République du 24 novembre 2020 et la mobilisation des associations nous rappellent que nous sommes bien loin des engagements internationaux que la France a pris il y a plus de 50 ans pour la protection des personnes exilées sur son sol.
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