Clémence Moutoussamy et Souad Martin-Saoudi → 1 juillet 2020
Comment se fait-il qu’un couple qui s’est construit sur une histoire amoureuse, comme un espace de liberté, de complicité et d’épanouissement, puisse aussi devenir un lieu de domination, d’humiliation et de contraintes sexuelles ?
L’amour seul ne régule pas la vie de couple …
Un tas de normes, d’habitudes et de croyances collectives viennent surplomber les relations amoureuses. Hommes et femmes, dans des couples hétérosexuels, investissent la relation avec une compréhension du monde et une identité “masculine” ou “féminine” forgée par l’éducation et les préjugés sexistes – conscients ou pas – qui encouragent encore aujourd’hui la domination masculine et maintiennent la subordination des femmes en tant que catégorie vulnérable de victimes potentielles.
Parmi ces normes et croyances collectives sur les rôles assignés aux hommes et aux femmes, figurent celles voulant que les hommes, qui jouissent d’une plus grande considération sociale, puissent avoir le droit d’imposer leur volonté aux femmes ; que masculinité rime avec virilité et capacité d’exercer un pouvoir sur l’autre, notamment par le recours à la force et à la contrainte ; ou encore que les rapports sexuels, lorsqu’on est en couple, puissent être un droit pour l’homme.
Autrement dit, la construction du couple hétérosexuel n’échappe pas à ces modèles appris dès l’enfance, qui ne sont la plupart du temps plus ouvertement admis en société, mais peuvent être perpétrés et maintenus dans l’environnement du couple avec violence.
L’enjeu de la violence d’un partenaire intime, c’est toujours la domination.
Loin du conflit ponctuel et de la perte de contrôle pouvant mener à des brutalités physiques ou mentales, la violence d’un partenaire intime est un procédé, un moyen pour dominer l’autre1. Cette violence se caractérise par une série de comportements, d’attitudes et d’actes dont l’intensité, la violence associée, et par conséquent la gravité sont généralement croissantes tout au long de la relation, pouvant aller jusqu’au féminicide ou au suicide forcé 2.
Quelque soit sa forme, cette violence prend racine dans l’inégalité de traitement historique entre hommes et femmes et aboutit à la domination masculine.
La violence commence bien avant les coups.
Ainsi, malgré des avancées législatives en matière des droits des femmes dans la sphère publique et privée (participation politique, accès à l’emploi et aux études, droit familial), l’évolution des mentalités et des pratiques ordinaires ne suit pas nécessairement le même rythme.
Les histoires de violences contre les femmes au sein du couple sont toutes différentes, mais dans chacune on retrouve des points communs : les mécanismes employés par le partenaire violent pour assurer son pouvoir sur l’autre.
Pour prendre progressivement contrôle, le partenaire violent utilise différents mécanismes destructeurs. Par des propos méprisants, il la met mal à l’aise et brise son estime de soi. Il contrôle ce qu’elle porte, l’heure des repas, qui elle peut voir. Petit à petit, il l’isole de sa famille, de ses amis, de son travail. En claquant des portes, en brisant des objets auxquels elle tient, il l’intimide. Il la harcèle, la surveille au téléphone et sur les réseaux sociaux. Il la menace de la priver d’argent, de la frapper, si elle n’agit pas comme il le souhaite. Il la blâme pour la violence qu’elle subit, c’est sa faute si elle n’a pas su s’y prendre… et la menace de se suicider si elle met fin à la relation. A l’extérieur, avec les amis, l’entourage, il s’assure de son impunité en faisant tout pour qu’elle ne puisse pas en parler et pour avoir l’air de l’homme idéal. Il entrecoupe ces mécanismes d’excuses, de déclaration d’amour, de promesses et d’espoir.
Un climat de terreur s’installe dans le couple et au fur et à mesure, ses attitudes et agissements finissent par devenir une habitude. Le partenaire violent joue sur cette alternance crise-apaisement pour créer une situation d’emprise.
La violence psychologique revêt une gravité particulière car elle met la victime sous l’emprise de son bourreau. La France s’apprête d’ailleurs à intégrer la notion “d’emprise conjugale” dans le Code pénal3.
Les violences au sein du couple peuvent aussi s’exercer sous d’autres formes : économiques (contrôle du compte bancaire, refus de payer la pension, création d’une dépendance financière), sexuelles (viol conjugal, revenge porn, forcer ou empêcher un IVG, imposer des actes dégradants ou des pratiques sexuelles non désirées), et administratives (privation de documents d’identité).
Peu importe leurs formes, elles constituent une véritable violation des droits humains : droit à la liberté, à la sûreté, au respect de sa vie privée et familiale, à l’égalité et à la vie.
Au-delà du couple et de l’espace privé, ce sont toutes les dimensions de la vie de la personne victime qui s’en trouvent touchées
Le fait de vivre au quotidien dans la peur a un impact sur la santé physique, mentale et sexuelle de la partenaire, dans l’immédiat comme à long terme. Sans possibilité d’affirmer son individualité ou son autonomie dans le couple, la partenaire renonce à voir ses amis, à porter ceci ou cela, elle va jusqu’à se rendre responsable des difficultés du couple.
Tant de stratégies d’adaptation pour limiter la violence du partenaire et préserver le couple et la famille, et ce au détriment de son propre bien-être et parfois même de sa sécurité.
Les répercussions de la violence d’un partenaire intime sur la santé physique et mentale des femmes comme les blessures corporelles, les douleurs chroniques, les problèmes digestifs, l’hypertension, la dépression, les troubles du sommeil et de l’alimentation, les idées suicidaires et l’anxiété demeurent présentes longtemps après les faits. Cette violence affecte aussi leur fonctionnement social : isolement, absentéisme et diminution de la performance au travail, difficulté à assumer les activités du quotidien, les besoins affectifs de ses enfants.
Réagir face à cette violence. Qui contacter ? Comment signaler ?
Pour savoir prévenir la violence au sein de sa relation amoureuse :
Le violentomètre, développé par le Centre Hubertine Auclert, sert à “mesurer” si son couple est basé sur le consentement et ne comporte pas de violences.
Pour de l’écoute et des références :
Appelez le 3919 Violence Femmes Info.
Cette ligne gratuite et anonyme, ouverte du lundi au samedi, de 9h à 19h, offre un premier contact pour toutes les femmes victimes de violences et leur entourage. Elle oriente vers les associations offrant un accompagnement et une prise en charge au niveau local.
Appelez le 0 800 08 11 11 la ligne du Planning familial pour des questions liées à la santé reproductive (accès à la pilule contraceptive, Les IVG médicamenteuses). La ligne est gratuite, anonyme et ouverte du lundi au samedi, de 9h à 20h.
Si vous êtes âgée de 16 à 25 ans et vous avez des questions sur le couple et les violences qui peuvent y perdurer, il existe le tchat d’En avant toute(s) qui fournit informations et conseils. C’est anonyme, sécurisé et gratuit.
Pour un accompagnement :
L’association Women Safe, située à Saint-Germain en Laye est un “guichet unique” où sont réunis médecine et justice. Elle accompagne les femmes victimes ainsi que les enfants victimes ou témoins de violence.
Pour une consultation (sur rendez-vous) : 01 39 10 85 35
Pour des informations : accueil@women-safe.org
Le Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV) offre une écoute et un accompagnement pour les femmes victimes de viol. Son accompagnement s’étend même aux procédures judiciaire.
la ligne téléphonique 0 800 05 95 95, qui opère du lundi au vendredi, de 10h à 19h, est gratuite et anonyme
En cas d’urgence :
Appelez ou envoyez un SMS au 114 en tout temps
Tchatez en direct avec la police 24h/24h ici : https://www.service-public.fr/cmi
* Si vous décidez de porter plainte, sachez que suivant la loi française en matière pénale, les services de Police et de Gendarmerie sont dans l’obligation de prendre la plainte (article 15.3 du Code de procédure pénale).
Clémence Moutoussamy et Souad Martin-Saoudi
L’aaatelier a besoin d’artisans! Devenez contributeur et proposez une publication: hello@laaatelier.org