Studio TARTAR → 9 janvier 2022
Si les chasses aux sorcières du moyen-âge sont les premières occurrences datées de féminicide sous couvert de sorcellerie, c’est surtout à la Renaissance que les procès pour sorcellerie font rage. Entre 1430 et 1630, le continent européen connaît plus de 110 000 procès en sorcellerie. Le nombre précis de victimes de ces procès est inconnu, mais il avoisinerait les 200 000 sur ce continent.
Aux Etats-Unis, les célèbres procès des sorcières de Salem, marquent aussi une grande période de procès en sorcellerie de l’histoire coloniale des États-Unis. Entre 1692 et 1693, ceux-ci donneront lieu à une centaine d’arrestations de femmes, dans plusieurs villages du Massachusetts. La première accusée accusée sera Tituba, une femme esclave noire, qui viendrait d’amérique du sud, à qui on prête des pouvoirs maléfiques. Dans une version romancée de l’histoire, Maryse Condé décrit particulièrement ce lien entre esclavage, racisme et chasse aux sorcières. Durant la Renaissance, les penseurs font table rase des croyances et cultures médiévales pour retourner aux fondamentaux de la culture classique. L’homme est remis au centre de cette révolution culturelle et les femmes détentrices de pouvoir sont persécutées.
Le trait commun des cibles de ces persecutions est la femme libre. La sorcière est l’avatar de la femme libre parce qu’affranchie de son devoir de maternité, libre parce que sage-femme ayant repris le contrôle de son propre corps et pouvant proposer à ses congénères femmes de reprendre le contrôle du leur, libre parce que guérisseuse, détentrice d’un savoir médical qui échappe au contrôle des hommes…
Dans le monde on retrouve aujourd’hui les vestiges de ces stéréotypes sur la puissance et la dangerosité de la femme dans la culture populaire, puisque nous avons tous·tes été bercé·es par des histoires de sorcières, personnages le plus souvent représentés malfaisants, hideux et pétris de mauvaises intentions, que nous nommerons à titre d’exemple Aïsha Kandisha, Maléfique, Cruella, Evil Queen, etc.
Au-delà de simples vestiges, ces idées impregnent l’image de la “femme” que nous avons. On retrouve les caractèristiques de la sorcière dans les dictats qui sont imposés à la femme moderne. Ainsi, pour se différencier de la sorcière, la femme moderne ne devra pas avoir de cheveux blancs, elle devra être féconde et avoir un désir d’enfant, elle ne devra pas être célibataire sous peine de finir triste et entourée de chats, et irrémédiablement, plus elle vieillit, plus elle se raproche de la sorcière.
De plus, de véritables chasses aux sorcières, telles que le monde les a connues il y a plusieurs centaines d’années, perdurent dans de nombreuses régions du monde, et particulièrement en Afrique subsaharienne, en Inde et en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
En parallèle, depuis les années 70, des groupes féministes se réapproprient l’image de la sorcière. En s’emparant de l’histoire de ces femmes persécutées car accusées de sorcellerie, ces groupes de féministes choisissent de perpétuer leur subversion et de revendiquer la puissance et la liberté prêtée aux sorcières.
Au-delà de l’aspect contestataire de ces mouvements, il s’agit aussi de se réapproprier l’Histoire des femmes.
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