Tarik El Faouz → 18 avril 2018
« Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité. »
Article 15 – Déclaration universelle des droits de l’Homme
La reconnaissance de la nationalité est la clé de voûte de nombreux autres droits, tels que l’éducation, la santé, l’emploi et l’égalité devant la loi. Les personnes sans nationalité – les apatrides – sont parmi les plus vulnérables dans le monde.
Les estimations du nombre actuel d’apatrides dans le monde varient d’environ 10 à 15 millions, ce qui équivaut à la population de la mégalopole turque, Istanbul. Il y a non seulement un manque d’attention systématique accordée à la collecte de statistiques fiables, mais aussi un manque de consensus sur les personnes à inclure dans le recensement des apatrides. Il est généralement admis que les personnes qui sont légalement apatrides – celles qui ne sont pas considérées comme des nationaux par un État en vertu de ses lois – sont en principe comptées. Cependant, plusieurs millions de personnes n’ont pas été formellement privées de leur nationalité, mais n’ont pas la capacité de prouver leur nationalité ou, malgré la documentation, se voient refuser l’accès à de nombreux droits humains dont jouissent d’autres citoyens. Ces personnes peuvent être de facto apatrides, c’est-à-dire apatrides dans les faits.
L’inclusion du droit à la nationalité à l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, comme la déclaration dans son ensemble, a été rendue nécessaire après les atrocités commises durant la Seconde Guerre mondiale, conduisant à des dénationalisations massives (les nouveaux États créés ont déchu de leur nationalité et leur citoyenneté des populations entières) et d’énormes mouvements de population. Des centaines de milliers de personnes (juifs, tsiganes, homosexuels, etc.) ayant survécu au génocide perpétré par les Nazis ont fui leur pays d’origine ; des millions d’Allemands ont été expulsés d’Europe de l’Est ; et des millions de Polonais, Ukrainiens, Biélorusses et autres minorités de l’Union soviétique ont fui pour leur sécurité.
L’apatridie peut résulter de diverses circonstances :
- les États peuvent simplement cesser d’exister ainsi les individus ne parviennent pas à obtenir la citoyenneté dans leurs États successeurs (comme avec l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, de nombreux serbes se sont retrouvés en Bosnie-Herzégovine et n’étaient reconnus ni comme des citoyens bosniaques ni comme des citoyens serbes) ;
- des considérations politiques peuvent dicter des changements dans la façon dont les lois sur la citoyenneté sont appliquées (exemple du Bahreïn qui a déchu de leur nationalité de nombreuses personnes pour des questions de sécurité en 2015) ;
- une minorité ethnique peut être persécutée notamment en se voyant refuser la citoyenneté par exemple les Rohingyas au Myanmar ;
- un groupe peut vivre dans les régions frontalières et franchir fréquemment les frontières, ce qui pousse les États des deux côtés de la frontière à leur refuser la citoyenneté (les Kurdes d’Irak, les Kurdes de Syrie, les Bidounes du Koweït, etc.).
Il y a aussi des individus qui deviennent apatrides en raison de circonstances personnelles, plutôt que de la persécution d’un groupe auquel ils appartiennent. L’apatridie peut résulter de différences juridiques entre les pays, les personnes renonçant à une nationalité sans en avoir acquis une autre ou même, plus simplement, à défaut d’enregistrer la naissance d’un enfant.
Les apatrides sont confrontés à différents problèmes, en fonction de l’endroit où ils vivent et de la raison pour laquelle ils sont apatrides. Par exemple, parce qu’ils n’ont pas accès aux papiers d’identité pour prouver leur citoyenneté, ils ne sont pas autorisés à voter et à participer aux processus politiques. Incapables d’obtenir des documents de voyage et d’accéder à une gamme de services gouvernementaux, ils ne peuvent pas se marier, étudier, se soigner ou travailler.
L’un des mandats du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) est la protection des apatrides et la réduction de cette problématique. C’est dans cette optique que cette agence des Nations unies a lancé une campagne visant l’élimination de l’apatridie – la campagne #IBelong – et le Plan d’action global qui vise à mettre fin à l’apatridie d’ici 2024 et qui « définit un cadre directeur composé de dix actions devant être mises en place par les États, avec l’appui du UNHCR et d’autres parties prenantes, visant à :
- résoudre les situations majeures d’apatridie existantes ;
- éviter l’apparition de nouveaux cas d’apatridie ; et
- mieux identifier et protéger les apatrides. »
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