LES ARTISAN·E·S DES DROITS HUMAINS

Quels sont les droits d’une personne détenue ?

Peut-on être privé de sa liberté dans un État de droit comme la France ?
Oui, en partie : une personne détenue est, par définition, privée de sa liberté de déplacement. Toutefois et contrairement aux idées reçues, être privé de sa liberté d’aller et venir ne signifie pas être privé de tous ses droits et libertés.

et → 25 octobre 2017

Prison, maison d’arrêt, détenu, prévenu…? Pour vous y retrouver, consultez le zoom « Prison » de l’aaatelier.

© Illustration Giada Ganassin

Quels sont les droits d’une personne placée dans un établissement pénitentiaire ?

Un prévenu ou un condamné ne perd pas ses droits car une autorité compétente l’a jugé coupable d’un acte illégal. Nier l’existence de ses droits, c’est nier aux détenus la qualité d’êtres humains et nier l’existence d’un État de droit, dans lequel les droits et libertés de tous les individus doivent être garantis.
En France, ce n’est que très tardivement que les conditions de vie en prison ont été encadrées par des règles bien définies. La loi du 24 novembre 2009 dite « pénitentiaire » garantit, en théorie, plusieurs droits aux prisonniers. Elle vise également (et toujours en théorie) à proposer des alternatives à la détention provisoire et des aménagements de peine, afin de diminuer le surpeuplement des prisons.

L’administration pénitentiaire doit garantir à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits.

Les personnes détenues ont droit à la liberté d’opinion, de conscience et de religion.
De même, elles bénéficient, selon la loi, des même droits civiques et sociaux que ceux appliqués sur l’ensemble du territoire français, tels que l’exercice du vote par procuration (ou grâce à une permission de sortir), une aide de l’État en situation de grande précarité, ainsi que l’accès à une activité professionnelle rémunérée lorsque celle-ci est organisée dans l’établissement pénitentiaire. Les prévenus et les détenus ont également le droit de maintenir des relations avec les membres de leur famille et peuvent communiquer avec l’extérieur, sous certaines restrictions (téléphone ou courrier). Les personnes détenues ont aussi accès à l’information (publications écrites et audiovisuelle), précieuse dans cet environnement clos.
Point essentiel, l’administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue « une protection effective de son intégrité physique » : chaque détenu doit pouvoir effectuer sa peine de prison en sécurité. La loi du 24 novembre 2009 rappelle également le droit d’accès à un service de santé, « dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population ».

La réalité carcérale :

Parce que les images parfois suffisent, nous vous invitons à découvrir le reportage du photographe Grégoire Korganow, en collaboration avec l’association Prison Insider.

Un rappel de la loi est important pour comprendre l’écart qui s’est depuis longtemps creusé entre respect des droits et libertés et réalités du milieu carcéral.
Dans les faits, quelques exemples concrets permettent de dresser un tout autre état des lieux, en gardant à l’esprit un contexte général : le surpeuplement des prisons.

En décembre 2016, les établissements pénitentiaires étaient occupés à 118%, voire 141% en maison d’arrêt où se concentre la surpopulation.
En 2016, la prison de Fleury-Mérogis, dans l’Éssonne, présentait un taux de peuplement proche des 180% : l’établissement « accueillait » presque deux fois plus de personnes que ce que sa capacité lui permettait.

La France fait aujourd’hui figure de mauvaise élève de l’Europe en ce qui concerne les conditions de vie de sa population carcérale. En 2013, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait condamné la France à verser 10 000 euros pour préjudice moral à un détenu, en raison des conditions « dégradantes » de sa détention dans l’ancienne prison de Nancy, aujourd’hui fermée1.
Pour ce qui est de l’accès aux soins, la plupart des unités sanitaires n’assure pas de permanence en soirée, ni la nuit, ni le weekend et les équipes de soignants n’ont pas suivi la hausse du nombre de détenus.
Si l’administration pénitentiaire doit garantir à toute personne détenue le respect de sa dignité et de sa sécurité, en 2015, cette même administration avait recensé 8 425 agressions entre personnes détenues et 686 mouvements collectifs.
S’agissant du travail en prison, l’Observatoire International des Prisons (OIP) rappelait en mai 2016 que seul un détenu sur quatre avait accès à un emploi en prison, travail pour lequel il est rémunéré entre 1,95€ et 4,39€ brut/heure. Bien que la loi pénitentiaire de 2009 ne prévoie pas de contrat de travail pour les personnes détenues ayant accès à une activité rémunérée, il est important de rappeler que ce montant de rémunération représente entre 20% et 45% d’un SMIC horaire brut.
Autre exemple concret des conditions de vie indignes des détenus en France : l’OIP a saisi la justice française en 2016, en raison de la présence massive de rats et d’insectes au sein de la prison de Fresnes.

Surpopulation, agressions, insalubrité, radicalisation, maladies mentales : c’est un lexique de violence et de détresse qui caractérise les conditions de détention aujourd’hui en France.
L’observateur extérieur est souvent bien loin de la réalité et les préjugés vont bon train en ce qui concerne les conditions de vie des détenus. Voir aussi  : « Est-ce que la prison c’est vraiment le Club Med ? », reportage de Vice du 22 août 2017.

Comment expliquer que les droits et libertés de la population carcérale, pourtant inscrits dans loi, ne soient pas respectés ?
Ce constat est le résultat d’une multitude de tendances dont, pour ne citer qu’elles : le désintérêt des pouvoirs publics et de l’opinion publique à l’égard de ce faible pourcentage de la population qui vit isolé du reste de la société et doit « purger sa peine » ; le manque de moyens financiers alloués à la gestion des prisons en France (on imagine facilement l’impopularité d’une augmentation des dépenses publiques en faveur des prisons) ; la question de l’environnement même de la prison qui devient créateur de récidive ; l’absence de réflexion sur d’éventuelles alternatives à la prison ; ou encore, la mise en place frileuse des alternatives qui existent déjà (le placement sous surveillance électronique et la contrainte pénale2 par exemple)…

Comme toujours, en réponse aux manquements des pouvoirs publics, des associations doivent se battre pour garantir le respect des droits et de la dignité des personnes détenues, nous vous invitons à découvrir leur fonctionnement et leurs missions :
Prison Insider
L’Observatoire International des Prisons – Section Française (OIP-SF)
La Cimade
Ban Public

et

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